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Edition 2007 - Joël Bastard

L'édition 2007 de " Sous la ligne bleue " s'est installée entre Grosmagny et Petitmagny.
C'est l'occasion de découvrir de nouveaux paysages, de nouveaux artistes plasticiens et également un nouvel écrivain.
Il s'agit de Joël Bastard. Grâce à la coopération avec le Centre Régional du Livre, il a été en résidence dans le pays sous vosgien du 5 février au 31 mars 2007. Il a proposé durant cette période diverses animations dans les médiathèques, les centres de loisirs, à l'EISCAE, en particulier huit ateliers d'écriture (un par semaine et en soirée). Ces ateliers " d'écriture en marche ", ouverts aux adultes sans condition d'expérience en la matière, se sont fait par les chemins de ce pays. Ils ont donné naissance au "livre des pierres" exposé sur le chemin d'art (ces textes sont également dans le catalogue de l'édition 2007).

Compte rendu

On y va, la première fois, la première rencontre… juste pour voir…
Un bonjour timide. L'Homme semble plutôt sympathique. Simple d'apparence. Tee-shirt, pull, bonnet de laine noir posé sur crâne nu…
Se présente : Joël Bastard, poète. Sort sa bible, petit carnet sur lequel il note les réflexions inspirées, ici par la couleur de la terre, une pierre, un arbre, un cours d'eau, là par une vierge, fragile statue, insolite rencontre au cœur de la forêt, là encore par un petit chien enfermé dans une voiture, seule âme vivante à mille lieues à la ronde…
Poète marcheur, prose nourrie à la sève de la nature luxuriante…
Un rapide tour de table, 9 femmes.
Qui lit de la poésie ?
2 doigts se lèvent.
Le poète est-il déçu ?
Se pose-t-il la question : pourquoi sont-elles là ?
La conversation s'installe. Quelques voix plus hardies osent.
Ecrire, oui. Lire son texte, non.. Ecrire pour être lu, jamais.
Chacune arrive avec son histoire, son vécu.
Le poète nous dit tout net : je ne suis pas psy…
Et pourtant !!!
On se dévoile un peu, se tutoie, s'apprivoise, s'apprécie…
Finalement, le bonhomme nous plait. Nous assisterons à la prochaine séance.
Premier devoir : se promener, décrire en quelques mots ce que nous voyons.
Se promener, pas de problème, on le fait souvent.
Savoir regarder, s'imprégner du lieu, ça, on ne sait pas.
Comment s'extasier devant un brin d'herbe, une dentelle de mousse accrochée à une branche, une souche moitié vivante, moitié morte…
Et puis, comme une gifle, l'esprit s'égare. On oublie de regarder, on se met à penser…
L'esprit n'est plus libre. Il nous ramène à la mauvaise nouvelle, à l'horreur, à la peur, à la solitude…
" Je n'aime pas marcher, sauf avec toi " a dit la femme blessée.
On jette malgré tout 4 phrases moribondes sur le papier.
Le poète nous dira : " on ne peut pas écrire dans les larmes ".
Et pourtant !!!
2 heures d'atelier d'écriture passées trop vite.
1 homme s'est joint au groupe.
Nous devons pour la prochaine séance décrire ce que nous voyons de notre fenêtre.
Comme par magie, les plumes s'animent.
Le vieux cerisier, le magnolia, le lynx, la mouche qui lisse ses pattes, 3 tuiles accents circonflexes posées sur le toit voisin, le ciel, la lumière poussière d'étoile…
Déjà le texte est plus long, la phrase plus élaborée, le récit plus précis.
Le renard mort, la cabane souillée… Qui a osé ?
Passent les semaines.
Passent les séances.
Nouveaux sujets. Les thèmes sont variés : histoires de fantômes, de revenants, d'extra-terrestres (ils existent, le Jules les a vus), souvenirs d'enfance…
Enfin, les plumes se délient, se livrent sans retenue, se libèrent, se dévergondent parfois.
On emploie le 'on'. On se cache derrière le 'elle'.
Oser dévoiler ses sentiments, ses doutes, ses fantasmes.
Surtout, ne pas utiliser le 'je'. Ne pas être reconnue…
Le poète n'est pas psy… Il nous l'a dit.
Et pourtant !!!
Tout se bouscule. L'écrit fait mal, l'écrit fait peur. La feuille blanche est miroir.
Esprits torturés. Cendres volées. Braises allumées. Idées consumées.
Nouveau thème de réflexion : Avec nous, faire la traversée du village…
Le décor est planté. Le village devient 'de droitiers', les maisons se colorent à l'envie, la vigne vierge n'est plus vierge, le vieil escalier n'est plus vieux…
Je découvre, peinte par une 'écrivaine' qui se dit sans talent, une rue que je connais depuis tant d'années.
Est-ce la même rue ?
Avec elle, le crayon devient pinceau, le mot devient pastel…
Parfois la toile n'est plus paysage.
Elle devient souvenirs, immortels défunts…
Partir de la rue du Breuchot pour aller au centre de loisirs…
Revivre le temps d'un écrit, 50 ans de rencontres, 50 ans de vie… ma vie…
Photographies sépia, noir et blanc, couleur, des êtres, des visages absents…
La plume court, court, la page n'est plus assez longue, la suivante ne suffira pas…
Arrêtez, Arrêtez.
Où sont passés les écrivassiers en friche que nous étions au début des ateliers d'écriture ?
Ceux-là mêmes qui alignaient péniblement trois lignes insipides.
Sommes-nous devenues plumes prétentieuses cherchant le mot, abusant du 3 petits points, du point d'interrogation ? Ecrire. Lire. Ecrire pour être lu. Signer son texte…
Quel bouleversement en si peu de temps.
Le poète n'est pas psy… Il nous l'a dit.
Et pourtant !!!
Le poète n'a pas toujours raison.
Joël est magicien.
Initiant nos sens endormis à la vie, au parfum, à la compréhension des êtres et des choses,
il a su guider, avec tact et intelligence, sans contrainte, sans arrogance,
nos pas hésitants, non seulement sur le chemin de l'écrit mais aussi et surtout sur le chemin de nos pensées.
Je ne sais pas si les sentiers usés par trop de pas se souviendront des siens…
mais moi, mais nous, artistes en devenir de l'Atelier d'écriture….
 
Manita
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